Dans une tribune publiée dans le journal le Monde, l’association « Pour les femmes dans les médias » réclame la mise en place de quotas féminins dans la presse et l’audiovisuel. Une solution qui a fait preuve de son efficacité ces dernières années, notamment sur France Télévisions. Mais attention, de telles mesures peuvent aussi alimenter un discours victimaire chez certaines personnalités masculines du PAF en fin de carrière.
La télé, un monde d’hommes ? Dans une tribune publiée ce mardi 23 juin dans les colonnes du Monde, l’association « Pour les femmes dans les médias » tire la sonnette d’alarme : en 2019, les femmes étaient toujours largement moins visibles que leurs homologues masculins sur le petit écran.
Sur les plateaux TV, les femmes représentaient seulement 41 % des intervenants, et ce, alors que 52 % des Français sont des Françaises. Une sous-représentation d’autant plus grave que selon l’étude 2019 du CSA, ces 41 % des intervenants de sexe féminin ne disposent… que de 36 % du temps de parole. Et ce n’est pas mieux dans le domaine de la fiction : sur les milliers de programmes diffusés sur les chaines françaises entre 2008 et 2018, neuf réalisateurs sur dix étaient des hommes. D’ailleurs, et ce n’est probablement pas un hasard, les personnages féminins continuent de n’occuper qu’un tiers du temps de parole des productions de films et de séries.
Un diagnostic inquiétant, même si la situation s’est améliorée sur le long terme : à la radio, le temps de parole des femmes a augmenté de 9,3 % entre 2001 et 2018 et de 4,7 % de 2010 à 2018 à la télévision.
Mais la situation demeure préoccupante, et pour faire exploser ce qui s’apparente de plus en plus à un « plafond de verre », l’association « Pour les femmes dans les médias » propose de bousculer les consciences et les habitudes des grands groupes de l’audiovisuel en imposant des quotas « temporaires » et « progressifs » : « Si on veut que les choses changent, il faut être volontariste. Aussi, nous sommes favorables à la mise en place de quotas “temporaires” et progressifs, sur cinq ans par exemple, avec un premier palier à 30 % de femmes réalisatrices ainsi que pour les autres professions des secteurs de la postproduction, les équipes de productions et tous les métiers, nombreux, où les femmes sont absentes. »
Une mesure coercitive, mais limitée dans le temps : une dimension « temporaire » qui permettrait de faire émerger des talents féminins et de changer les mentalités dans ces univers professionnels, sans oblitérer sur le long terme le mérite de ces femmes auprès de leurs collègues, masculins ou féminins. En somme, dynamiter les habitudes de l’audiovisuel pour reconstruire des médias plus inclusifs.
L’exemple France Télévisions
Une politique volontariste à l’image de ce qui a été pratiqué au sein de France Télévisions ces dernières années. En effet, depuis le début de son mandat en 2015, la Présidente du groupe Delphine Ernotte n’a eu de cesse de défendre une meilleure inclusion sociale et une plus grande diversité au sein des chaines du service public.
Une approche résolue, saluée par les signataires de la tribune du Monde qui rappellent que les mesures appelées de leurs vœux sont d’autant plus réalistes qu’elles s’inscrivent dans le même esprit que la politique entreprise au sein du gigantesque groupe d’audiovisuel public : en novembre 2019, Delphine Ernotte avait ainsi annoncé publiquement sa volonté de mettre en place des quotas pour les femmes réalisatrices en 2020, avant d’étendre ces quotas « à l’ensemble des créateurs ».
Une politique de quotas féminins pour les intervenants, les présentateurs ou les réalisateurs est donc non seulement possible, mais largement envisageable pour l’ensemble des chaines et pas uniquement pour celles de France Télévisions.
Seul bémol : une telle politique de ressources humaines est aussi particulièrement propice à la polémique, voire à la victimisation de certains animateurs « historiques » mis au ban pour leurs audiences trop faibles ou leurs programmes insuffisamment renouvelés. En assumant ce parti-pris, la présidente du groupe a ainsi prêté le flanc à la critique de certaines figures du PAF : Patrick Sébastien, Tex, Julien Lepers… Autant d’anciennes figures du service public marginalisées ou licenciées, qui se plaignent désormais d’avoir été victimes d’une forme de « discrimination positive ».
En ce sens, le cas de France Télévisions est particulièrement éloquent, et doit servir d’avertissement pour les années à venir : si une politique de « quotas » est non seulement souhaitable dans l’univers audiovisuel, ceux-ci, même temporaires, pourraient alimenter un discours dangereux de victimisation auprès de certains hommes en perte de vitesse dans cet univers ultra compétitif qu’est la télévision. Ce type de mesure est donc tout à fait applicable, mais en préparant en amont l’opinion publique et le personnel concerné, pour éviter toute confusion.